Hiroshima À Beyrouth!

Le 4 Août 2020, au moment où nous croyions que le pire était atteint, à cette heure la plus cauchemardesque de l’Histoire du Liban, à 18h08, la troisième explosion la plus puissante de l’histoire de l’humanité après Hiroshima et Nagasaki, eȗt lieu au port de Beyrouth en dévastant la dernière dynamique d’espoir d’un peuple ravagé par une crise économique et politique sans précédent.


Mis à part les causalités de la catastrophe, l’effet fȗt intense à l’égard de la psychologie collective de toute une ville, et d’une nation, au moment ou les Libanais exprimaient le plus grand besoin d’un brin d’espérance aspirant à un avenir, du moins qu’on puisse dire, acceptable.



Vingt-trois jours après ce cataclysme, le choc règne toujours sur nos esprits. La scène est tellement agressive qu’elle nous projette dans la confusion: nos consciences refoulent toujours l’événement, ne veulent pas y croire, résistent devant la cruauté du destin. Mais la réalité est dure, acrimonieuse, brutale, tel le son de l’explosion entendu jusqu’à l’Ile de Chypre a 264 kilomètres du lieu du drame!


Jamais une telle chute libre ne s’était imposée à l’histoire du Liban depuis sa formation: une gouvernance corrompue depuis 1991, une crise économique dirimante, un taux de chômage atteignant des records, une révolution dans les rues, une économie qui recule par millards à la semaine, un État faible, malade, illégitime et stérile devant la multiplicité des défis! L’explosion est venue anéantir tout espoir proche d’un retour à la normale!


Normale!? ce mot qui n’a cessé de prendre différentes formes dans une tendance à l’abdication!


Je dois enfin admettre que ma substantielle vocation pour la positivité, l’espoir dans l’espérance a été touchée en son sein! Je n’arrive plus à voir la lumière, je suis en deuil chronique, mon esprit se lamente en silence, muet, aride, fatigué, dégoûté...mais surtout triste...triste de voir mon vieux Beyrouth en débris, pris par un champignon aux couleurs de la mort. Ma ville se décline, s’effondre tel qu’un soldat de guerre qui agonise au rythme de son dernier souffle...


Cet article n’est pas celui d’un engagé, ni celui d’un rêveur...par choix, j’ai voulu qu’il soit écrit par un blessé, par un désolé, un chagriné, quelqu’un qui a envie de crier tout haut sa révolte, ses lamentations aussi, au nom des deux cents victimes, des cinq mille blessés et des cent mille déplacés!



Une ville, c’est des vibrations, une dynamique, un peuple...mais une ville est aussi et surtout un lieu, ce caisson de nos souvenirs à travers les rues, les maisons, les cafés et les pubs, enfin des repères...c’est dur de voir les lieux de notre passé désaxés, c’est dur de voir sa ville criant au secours de la mort...passagère? Durable? Et l’anxiété m’envahit une fois de plus...


Les visages figés, meurtris des victimes que j’ai pu apercevoir à travers la fenêtre de ma voiture. Je les fixais avec choc et frustration. Ils étaient froissés et traumatisés, transcendant la douleur de leur blessures, intégralement couverts de sang...ça puait la mort à 18h20 dans les rues d’Achrafiyeh...le sang et les cris dominaient le tableau!


Mais non! Je ne veux pas succomber, je ne veux pas lâcher ma ville...je suis sûre qu’elle se lèvera...elle qui a été ébranlée à maintes reprises par les tremblements sismiques à travers l’histoire...elle qui s’est reconstruite en défiant son sort...


Aujourd’hui Beyrouth nous rappelles qu’elle est le sens même de la rédemption! Mais cette fois-ci, la fatalité exige notre patience et notre persévérance!


La renaissance viendra avec un retard!


Hikmat AbouZeid